Emmanuel Debruyne est professeur à l’Université catholique de Louvain-la-Neuve, où il enseigne l’histoire contemporaine après avoir défendu en 2006 une thèse de doctorat sur les services de renseignements belges durant la Seconde Guerre mondiale.
Spécialiste des occupations militaires durant les deux conflits mondiaux, il a participé à la rédaction de La Belgique docile. Les autorités belges et la persécution des Juifs en Belgique durant la Seconde Guerre mondiale (Liège, Éditions Luc Pire, 2007) et il est notamment l’auteur de Le réseau Edith Cavell. Des femmes et des hommes en résistance (Bruxelles, Éditions Racine, 2015) ainsi que, avec Laurence van Ypersele, de Je serai fusillé demain. Les dernières lettres des patriotes belges et français fusillés par l’occupant. 1914-1918 (Bruxelles, Éditions Racine, 2011). Il a également dirigé avec James Connolly, Élise Julien et Matthias Meirlaen, En territoire ennemi. Expériences d’occupation, transferts, héritages (1914-1949) (Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2018).
Il vient de faire paraître aux Éditions Les Belles Lettres à Paris un essai très documenté intitulé Femmes à Boches. Occupation du corps féminin dans la France et la Belgique de la Grande Guerre dans lequel il se penche sur les relations intimes entre occupants allemands et occupées françaises et belges entre 1914 et 1918 et il s’interroge sur les formes prises par ce phénomène, sur son ampleur et son inscription dans les sociétés occupées, ainsi que sur ses conséquences pour les personnes impliquées.
Écoutons l’auteur :
« Entre 1914 et 1918, les expériences de guerre ne se limitent pas au front et à l’arrière. Il y a aussi l’occupation militaire, subie par près de 10 millions de Français et de Belges.
La faim, l’angoisse, la privation et la lassitude sont les conditions de cette situation particulière où se mêlent complémentarité de genre et antagonisme de guerre : des relations intimes naissent entre des femmes et des hommes qui dans d’autres circonstances ne se seraient jamais rencontrés.
Mais ces relations ne sont pas simplement une révolte de l’amour contre la haine. La vague de viols qui accompagne l’invasion d’août 1914 participe à terroriser les populations civiles. Et la prostitution connaît un essor fulgurant au cours des années suivantes.
Quelle que soit leur nature, ces relations ne laissent pas les occupés indifférents : pendant quatre ans, le corps féminin est l’enjeu de tensions incessantes en pays occupé. “Sources de contamination” pour les uns, “femmes à Boches” pour les autres, celles qui fréquentent l’ennemi font les frais de leur choix. Ostracisées sous l’occupation, tondues à la libération, puis disparues une fois la paix revenue.
Cent ans après la fin de la guerre, Femmes à Boches est le premier ouvrage à se pencher sur l’histoire de ces femmes. »
Aussi passionnant que surprenant…
Et ô combien révélateur !
PÉTRONe
Femmes à Boches. Occupation du corps féminin dans la France et la Belgique de la Grande Guerre par Emmanuel Debruyne, préface d’Annette Becker, Paris, Éditions Les Belles Lettres, septembre 2018, 464 pp. en noir et blanc au format 15,2 x 21,1 cm sous couverture brochée en couleurs, 25,90 € (prix France)
TABLE DES MATIÈRES
Introduction
Remerciements
Chapitre 1. Violences sexuelles
« Nymphomanie de guerre »
Viols allemands et enquêtes alliées
« Les faits de ce genre sont, hélas ! assez nombreux »
Combien ?
« … la sachant seule dans sa maison à l’extrémité du village… »
Le drame des « visites »
De la menace à la vengeance
Chapitre 2. Amours vénales
L’essor de la prostitution
Les « mesures propres à assurer la santé, la moralité et la tranquillité publiques »
Le « système allemand »
« Refuser des Allemands toute direction, tout contrôle, toute collaboration » ?
La bataille des cabarets
« On ne saura jamais à quel point ces gens de débauche sont pourris et viciés ! »
Chapitre 3. Intimités
« Ce sont de jolis cocos, ces Allemands du diable ! »
« Mademoiselle ? »
Érotique de la langue
« J’ai passé mes plus belles années dans la peine et la tristesse »
Au cœur de la relation
La rupture
« Est-il possible qu’il y aura des femmes assez lâches pour les épouser ? »
Chapitre 4. Ostracisme
Lamentations
Stigmatisation
Exclusion
Représailles
« Dévouée aux Allemands »
« La guerre ne durera pas toujours, après on verra ! »
Chapitre 5. Maladies vénériennes
La grande peur
À qui la faute ?
« Soldaten ! »
« Sources d’infection »
Les centres de traitement vénériens
« Comme les ignobles loques qu’on rend aux propriétaires des maisons dévastées »
Au croisement du médical et du carcéral
« Parcs à poules »
Le front antivénérien
Chapitre 6. L’enfant du Boche
« Il y a quelques temps, elle était enceinte ; puis plus rien… »
« Rendue mère par une infâme violence »
« De père inconnu »
« Petits Allemands »
Paternités occupantes
Enfants de l’Allemagne ?
Combien ?
Chapitre 7. La défaite du couple
La fuite
« Les cheveux coupés ras avec des ciseaux vengeurs »
« Heur haar af ! Heur haar af ! »
Et en France ?
Rituels expiatoires
« Que ce traitement ne se produise pas toujours avec douceur peut se comprendre »
Face à la justice
Des unions en difficulté
La « libération » de la prostitution
Sortie de guerre vénérienne
Épilogue
L’impossible bilan
Devenir allemande : Louise
Revenir en Belgique : Marie et sa fille Charlotte
La quête du père : Joseph, fils de Julie
Parcours enfouis et mémoires oblitérées
Conclusion
Notes
Sources et bibliographie
Index des noms de lieux
Index des noms de personnes