Tommy Jaud est un écrivain et scénariste allemand. À la fois fasciné par les livres de self-help parus aux États-Unis et profondément irrité par la vague montante des obligations sans limite, il s’est décidé à écrire son propre manuel de développement personnel.
Paru chez Favre à Lausanne, il s’intitule Rien à battre ! – Pour en finir avec la mauvaise conscience et il s’en prend avec drôlerie aux ukases de notre époque qui veut que l’on surveille constamment son poids, que l’on range et aménage son logis « comme il faut », que l’on soit en permanence écologiquement correct, que l’on ait une opinion sur tout, que l’on profite de sortir dès qu’il fait beau, que l’on mange toujours sainement, que l’on ait une vie sociale très active et que l’on affiche tous les prétendus signes de réussite, en les envoyant sur les roses.
Pour défendre ses thèses, il s’est inventé un double excessif et attachant, Sean Brummel, « grand gourou californien » et fervent adepte de la dolce vita, à qui il fait dire ce que chacun pense en son for intérieur mais n’ose plus assez revendiquer : le droit à la paresse, à la non-performance, au plaisir…
Un livre qui fait VRAIMENT du bien !
PÉTRONE
Rien à battre ! – Pour en finir avec la mauvaise conscience par Tommy Jaud, Lausanne, Éditions Favre, janvier 2017, 288 pp. en couleurs au format 14,3 x 21 cm sous couverture brochée en quadrichromie et à rabats, 19 € (prix France)
Pour vous, nous avons recopié dans cet ouvrage joyeusement à contre-courant l’extrait délicieusement provocateur suivant :
Pourquoi les véganes n’ont pas le droit de freiner
Ne manger aucun produit alimentaire issu de l’animal, c’est la première étape du véganisme. La deuxième étape consiste, pour certains, à nourrir leurs animaux de compagnie aussi sur le mode végane, tout en posant des questions stupides à leurs concitoyens, qui ne leur ont rien demandé.
Pas plus tard que la semaine dernière, un de mes clients à la brasserie Brummelstore voulait absolument savoir si les étiquettes de mes bouteilles mentionnaient la présence de caséine ; car si tel était le cas, cela signifiait que ma bière contenait de la souffrance animale.
Suivit un bref, mais intense moment de souffrance, humaine cette fois, puis le type sortit de la boutique plus vite qu’il n’y était entré. Sans bière. Depuis, j’ai compris : il y a une catégorie d’abstinents qui non seulement s’interdisent toute nourriture d’origine animale, mais restent à distance de toute fabrication, même non comestible, ayant quelque chose à voir avec l’animal : sièges en cuir, édredons en plume, écrans LCD. Oui, c’est comme ça : on ne peut pas regarder la télé non plus, car beaucoup de cristaux liquides sont basés sur la cholestérine.
Donc, les véganes vont aller au cinoche, direz-vous ? Mais pour quoi faire ? Un végane digne de ce nom, conscient de ses valeurs éthiques, s’interdira de regarder un film, car la pellicule est à base de gélatine.
De toute façon, la question ne se pose pas, car un végane archi-convaincu ne peut pas prendre sa voiture pour se rendre au cinéma : la fabrication des pneus comprend une petite proportion de stéarine animale.
Mais en imaginant que notre végane archi-convaincu se déplace prudemment en roulant sur les jantes, c’est dangereux pour lui, car il lui est interdit de freiner : le liquide de freins contient du glycérol.
Et c’est aussi tragiquement dangereux pour toutes les bestioles innocentes qui s’écrasent sur sa vitre à mesure qu’il accélère… et voici maintenant qu’un daim jaillit devant sa voiture !
Pardon ? Si c’est comme ça, autant se pendre tout de suite, non ?
Bon, la chose mérite d’être considérée, mais à une condition : refuser d’utiliser une corde avec de la laine !
Pensez à ces pauvres moutons !