Jean-Louis Poirier, qui a longtemps enseigné en khâgne au Lycée Henri IV à Paris, est un philosophe spécialiste de l’Antiquité. Il collabora à l’édition des Présocratiques et des Épicuriens à la Bibliothèque de la Pléiade, a rédigé de nombreux articles et publié des ouvrages aux Éditions Les Belles Lettres.
C’est dans cette vénérable maison qu’il a fait paraître sa Bibliothèque idéale des philosophes antiques – De Pythagore à Boèce, un recueil de larges extraits et de pages significatives extraites de l’œuvre de divers philosophes antiques, des textes parfois peu connus, surprenants ou provocateurs, et bien souvent d’une extraordinaire modernité.
L’occasion de jeter un œil neuf sur un passé immensément riche !
Liste des auteurs :
Pythagore, Héraclite, Parménide, Empédocle, Gorgias, Démocrite, Thucydide, Platon, Aristote, Épicure, Zénon de Citium, Cléanthe, Chrysippe, Hermès Trismégiste, Cicéron, Lucrèce, Philon d’Alexandrie, Sénèque, Plutarque, Épictète, Apulée, Galien, Irénée de Lyon, Clément d’Alexandrie, Alexandre d’Aphrodise, Tertullien, Origène, Cyprien de Carthage, Sextus Empiricus, Plotin, Longin, Porphyre, Jamblique, Victorinus, Grégoire de Nazianze, Némésius, Augustin d’Hippone, Proclus, Damascius, Un cours de l’École d’Alexandrie, Boèce
PÉTRONE
Bibliothèque idéale des philosophes antiques – De Pythagore à Boèce, textes rassemblés et présentés par Jean-Louis Poirier, Paris, Éditions Les Belles Lettres, novembre 2017, 684 pp. en noir et blanc au format 12,5 x 19,4 cm sous couverture brochée et jaquette en couleurs, 29,50 € (prix France)
Pour vous, nous avons recopié le texte suivant, du philosophe romain Sénèque
(4 avant Jésus-Christ – 65 après Jésus-Christ) :
LE MAÎTRE ABSOLU : LA MORT
Sénèque dégage ici, très simplement, en quoi la mort, qui « affranchit l’esclave malgré son maître », est libératrice, comme le rappellera Hegel.
Oh ! qu’ils méconnaissent leurs misères, ceux qui ne célèbrent pas la mort comme la plus belle invention de la nature et qui ne l’attendent pas avec espoir !
Soit qu’elle couronne une vie heureuse, soit qu’elle écarte de nous l’infortune, soit qu’elle termine la satiété et la fatigue du vieillard, soit qu’elle enlève le jeune homme dans sa fleur, à l’âge où l’on vit d’espérances, soit qu’elle réclame l’enfant avant le temps des épreuves, pour tous, elle est la fin, pour beaucoup la guérison, pour quelques-uns l’accomplissement du vœu suprême, et ceux qui lui ont le plus d’obligation sont ceux qui la reçoivent avant d’avoir imploré sa venue.
La mort affranchit l’esclave malgré son maître ; la mort soulage les captifs de leurs chaînes ; la mort ouvre leur prison à ceux qu’un pouvoir inflexible y maintenait despotiquement ; la mort montre aux exilés, dont la pensée et le regard se tournaient incessamment vers la patrie, qu’on repose tout aussi bien sous une terre que sous une autre ; quand la fortune répartit mal les biens communs à tous les hommes et subordonne l’un à l’autre des êtres venus au monde avec des droits égaux, la mort rétablit l’égalité.
Après la mort, nul n’est assujetti au bon plaisir d’autrui ; la mort ne se refuse jamais à personne, et cette mort, Marcia, ton père l’a désirée de tous ses vœux.
C’est grâce à la mort, je le répète, que naître n’est pas un supplice, c’est grâce à elle que les malheurs dont je suis menacé ne m’accablent point, que je puis conserver l’équilibre et l’indépendance de l’âme : je sais quel est mon recours.
Je vois devant moi des instruments de torture, non pas tous du même modèle, mais variant avec le maître qui les fait faire : il en est qui pendent leurs victimes la tête en bas, d’autres les empalent, d’autres les mettent en croix ; je vois des chevalets, je vois des fouets ; on va jusqu’à fabriquer des appareils particuliers pour chaque membre ! Mais je vois aussi la mort. J’ai devant les yeux des ennemis sanguinaires, des concitoyens intraitables ; mais je vois également la mort.
La servitude n’a rien de pénible quand on sait que l’on n’a qu’un pas à faire, le jour où l’on sera las du joug, pour se donner la liberté. Je t’aime, vie, en faveur de la mort !
Consolation à Marcia, chapitre XX